Une femme d'Annie Ernaux, Prix Nobel 2022, redonner vie à sa mère
- Marion Marten-Pérolin
- 27 août 2023
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 janv. 2024
Une femme d'Annie Ernaux est un livre qui tente de retracer la vie de la mère de l'autrice récemment disparue au moment de la publication. L'autrice travaille sur ce livre pendant 10 mois pour la maintenir encore en vie... le temps de l'écriture du manuscrit. Voici des citations et un éclairage sur ce texte qui va vous faire un peu pleurer...

Qui n'écrirait pas un livre pour dire à quel point il a aimé sa mère ? Comme d'autres, Annie Ernaux se lance dans l'hommage à sa mère dans le livre Une femme. Une femme qui pourrait être n'importe quelle autre femme, sauf qu'il s'agit de sa mère.
Ce livre lui permet de retracer les derniers moments de sa mère, mais aussi les moments de leur vie ensemble. En écrivant, elle veut donner naissance à sa mère, la porter au monde et l'immortaliser dans ces pages. Cela rappelle, par exemple, Delphine de Vigan avec son livre "Rien ne s'oppose à la nuit".
Le texte commence un peu comme L'étranger de Camus, "Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas" avec ces mots : "Ma mère est morte le 7 avril..."
Des mots qui commencent une aventure littéraire extrêmement difficile pour l'autrice.
Pourquoi lire Une femme d'Annie Ernaux ?
Lire Une femme d'Annie Ernaux, c'est mieux comprendre son enfance et l'histoire de ses parents. C'est aussi comprendre pour elle a reçu le prix Nobel de littérature en 2022 en raison de son travail sur la mémoire et sur la voix qu'elle donne aux plus modestes. Car dans ce livre, elle parle d'une ancienne ouvrière devenue commerçante. Elle parle d'une femme qui ne se sent pas à sa place dans le nouveau monde bourgeois de sa fille. Une femme qui a peur de dénoter par ses manières. Pourtant, quelle honte peut-elle avoir...
La mère et la fille s'aiment profondément et partagent l'amour des livres. Mère à son tour, Annie Ernaux fait venir sa mère devenue veuve (lire La place sur le deuil de son père). Mais petit à petit la mère se sent de trop, ce n'est pas son univers et l'atmosphère devient pesante. Le pire advient lorsque la maladie d'Alzheimer apparaît dans sa vie. Il faut s'occuper de cette mère ou la placer. La mémoire disparaît. La mère redevient une enfant. Pour la fille, c'est le choc, mais sa mère est toujours dans son monde. Et ça, ça vaut même si elle ne se rappelle pas toujours qu'elle est sa fille...
C'est lire un témoignage qui pourrait concerner de nombreuses femmes de l'époque de la mère d'Annie Ernaux, qui a vécu l'Occupation. C'est se plonger dans le monde ouvrier, c'est découvrir Yvetot... Bref, c'est mieux cerner l'autrice et ce qui nourrit ses récits.
Ces citations à retenir du livre Une femme d'Annie Ernaux
"Pour tous, il était mieux qu'elle soit morte. C'est une phrase, une certitude, que je ne comprends pas."
"Elle ne sera plus jamais nulle part dans le monde."
"J'ai surmonté la terreur d'écrire dans le haut d'une feuille blanche, comme un début de livre, non de lettre à quelqu'un, 'ma mère est morte"'".
"Pour une femme, le mariage était la vie ou la mort, l'espérance de s'en sortir mieux à deux ou la plongée définitive."
"Il me semble maintenant que j'écris sur ma mère, pour à mon tour, la mettre au monde."
"Son désir le plus profond était de me donner tout ce qu'elle n'avait pas eu."
"Dans le monde où elle avait été jeune, l'idée même de la liberté des filles ne se posait pas, sinon en termes de perdition."